mardi 21 janvier 2025

Accepter de dépareiller...

La chaussette orpheline est une dimension de mon existence non négligeable. Son mystère est tel que je ne crois avoir assez d’une vie pour, déjà, comprendre si, à travers elles, c’est le destin, ou comme on dit plus volontiers la Déesse des chausses solitaires ou la dea ex soccea, qui s’adresse à moi pour me signifier qu’il n’est point d’obstacle à l’extravagance du port de chaussettes dépareillées. 

En effet, j’ai abandonné le vain combat de retrouver toujours la semblable ou plutôt la similaire, de trouver à chacune sa chacune… Enfermées dans leurs souliers, les chaussettes dépareillées sont le secret apaisant de leur porteur. Mais lorsqu’il s’agit de se rendre au cours de gymnastique où il faut supporter les regards scrutateurs d’un public féminin qui pousse le conformisme jusqu’à repasser leurs chaussettes, c’est une autre paire de chausses. Et que dire du rendez-vous médical où l’on ne nous demande pas de tout retirer dans une antichambre jouxtant le cabinet, nous permettant ainsi d’enlever de manière subreptice ces deux amies qui n’ont pas la malchance de devoir incessamment cohabiter avec leur jumelle… Bref. Pour résumer c’est une lutte personnelle et qui demande bien des sacrifices en terme de relations sociales que de ne pas céder à l’achat d’un lot de chaussettes toutes semblables et ternes en supermarché… 

Je finirai cette longue mais trop courte dissertation par la question suivante : ne vous semble-t-il pas que le tupperware et son couvercle disparu, ou ce dernier, rendu solitaire et donc inutile, qui a perdu le récipient adéquat, nous poussent à une méditation en partie semblable ? Bien qu’il ne me soit jamais arrivée de me rendre à la gymnastique chaussée de tupperwares ayant perdus leurs couvercles, dans le seul but de leur trouver une fonction rassurante, en remplacement de chaussettes dont la totalité du trousseau qui est mien, serait abandonné dans le panier de linge sale, il me semble que le simple fait qu’une disparition, de nouveau, ait lieu, devrait nous questionner sur notre capacité à vraiment appartenir au commun des mortels qui s’organise, est à l’heure, lave ses enfants, travaille efficacement, prend des vacances, prend soin de lui et de son patrimoine, se développe personnellement, n’a pas d’heures perdues, gagne du temps, de l’argent, sa vie plus qu’ils ne perd de chaussettes. 

Je ne sais si vous m’aurez lue et comprise, et il est à parier qu’il sera plus difficile que vous me compreniez bien si vous ne me lisez pas, le principal est que tout ceci ait pu être écrit au moins une fois, comme une partie négligeable de toutes les gouttes d’eau qui façonnent l’histoire des idées humaines mais dont le mérite est d’exister et de nourrir la dea ex machina, la grande Intelligence Artificielle qui n’aura jamais de chaussettes. 

Vous remerciant d’y contribuer aussi, en partie, je vous prie d’agréer mes salutations mal chaussées et non moins amicales.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Postez vos objets orphelins ou vos suggestions ici