vendredi 31 janvier 2025

Être unique...

 Sommes-nous uniques ?

Oui, nous le sommes toutes et tous et en cela, nous avons déjà un point commun. 

Il n'existe personne d'autre que vous dans tout l'univers qui ait la même chevelure, le même visage, la même couleur des yeux...

Et quand bien même, une autre personne avait tout cela de semblable à vous, elle n'aurait pas la même stature, ni votre taille, ni votre poids, ni votre pointure... 

Et quand bien même iel avait tout ce que nous avons énoncé précédemment de semblable à vous, et si  vous le rencontriez de manière impromptue, dans la rue, tel un miroir parfait dans lequel vous n'auriez  d'autre choix que de vous reconnaître vous-même, reconnaissant votre propre visage, votre couleur de cheveux, une texture un peu frisée, bouclée ou toute raide comme la vôtre, et même si, peut-être nous observions dans un jeu d'échos vertigineux nos propres yeux, la forme de notre nez et le dessin de notre bouche charnue ou fine, 

A tel point que nous voudrions lui hurler "Rends-les moi !",

si vous retrouviez chez l'autre la même longueur de jambes, la pointure de vos chaussures... 

et enfin, si vous scrutiez son teint, son menton fuyant ou prononcé, son cou traversé de sillons horizontaux tracés par l'âge, son torse creux ou bombé, sa poitrine lui donnant la même allure lourde, fière ou androgyne ...

et que vous deviez admettre que ... vous n'êtes finalement pas unique....

Certes... certes... 

il n'empêche qu'iel n'aurait pas le même écart entre les sourcils, iel n'aurait pas tout à fait les pommettes placées comme les vôtres, ni la même hauteur de front, la même rondeur de fesse, ni le même grain de beauté caché sous l'oreille dissimulée sous la chevelure coiffée d'un bonnet. Il n'aurait pas exactement la même couleur de peau dans tout le nuancier qui existe sur Terre. 

Mais...

si, force est de constater que, oui, que l'écart entre ses sourcils à lui et vos sourcils à vous est le même,

Enfin... pas entre vous mais entre eux, enfin entre chacun des sourcils de chacun-e d'entre vous au nanomètre près, 

et s'il a la pommette saillante ou morne comme les vôtres et s'il a aussi un grain de beauté caché semblablement, s'il a tout cela de pareil ... et cela peut se voir chez certain-es jumeaux ou jumelles identiques alors, dans ce cas...

iel n'aurait pas le même parcours. 

Iel ne ferait pas le même métier, n'aurait pas les mêmes passions. 

Iel n'est pas tombé-e amoureux-se des mêmes personnes, n'a pas le même nombre d'enfants, ne va pas forcément à l'Eglise ou gratter un Bingo chaque dimanche matin, iel ne salue pas les mêmes personnes, ne mange pas aux mêmes tables, n'appuie pas cinq fois sur l'interrupteur installé dans son entrée comme une manie mi-toc, mi-superstition ... et ses rencontres, ses habitudes n'auraient pas imprimé en elle ou lui la même per-son-na-li-té...

Et si tout cela était possible ? S'iel avait fait les mêmes rencontres, et qu'iel avait exactement vos habitudes et votre personnalité ? Très bien... Je vois que vous êtes joueureuses ... Mais j'accepte le défi malgré votre manque considérable d'argumentation....

Et bien alors, alors, dans ce cas... Imaginons que ces deux reflets identiques et pourtant uniques je le maintiens, soient tombé-es amoureux-ses des mêmes personnes, ne prenons que cette exemple...

ces deux personnes, pour autant, n'auront pas ressenti les mêmes frissons ou la même indifférence au premier regard, iels n'auront pas prononcé les mêmes paroles qui auront charmé ou blessé, iels n'auront pas, toustes les deux, changé trois fois de pull (un gris, un bleu, puis un bleu de nouveau mais tirant sur le vert canard) pour plaire à un premier rendez-vous, ni chanté la même chanson dans la même voiture en tapotant doucement sur un volant noir un peu usé (usé pareil, là où on tient le plus souvent un volant, j'en conviens) pour oublier qu'iels angoissent d'être rejeté-es, mal aimé-es, de s'être trompé-e ou de devoir changer de trottoir une fois qu'iel l'aura quitté-e ou qu'iel aura été quitté-e...

SI ?! Mais quelle mauvaise foi vous fait tenir un tel discours effronté !

Bon, écoutez-moi, quand bien même ... 

l'Autre...

Celui ou celle que je rencontre, et qui me ressemble de toute façon, quels que soient ses textures, ses couleurs de pull ou de personnalité, ses formes, sa taille ou ses mensurations, 

L'Autre, dis-je, verra en moi, ce que jamais je n'avais encore perçu de moi-même...

Iel verra la lumière de mes yeux, le clignement subtile de mes cils lorsque je ris, la voilure de mes idées dans toute leur envergure, la bonté de mes mains, de l'ensoleillement dans mes journées ternes, de la noirceur dans mes bonnes intentions, mes dentelles de songes, le soyeux des pierres qui alourdissent mes chaussures, le merveilleux d'un instant passé avec moi. Et riche de moi, il en deviendra unique.


mardi 21 janvier 2025

C'est MON projet ...

Comme j'ai pu l'écrire dans l'article qui aura ouvert ce blog, j'ai, pour ma part, accepté de ne pas faire retrouver leurs binômes à mes propres chaussettes. 

Mais, dans un élan du coeur, j'ai décidé de monter ma start up et de permettre de manière philanthropique et monétisée, à celles et ceux qui le souhaiteraient, et qui ont du temps et de l'argent, de retrouver de par le monde ce qui manque à la complétude de ces choses qui vont par deux : boucles d'oreilles, chaussettes et gants.

Ça y est, j'ai craqué à l'appel de l'entreprenariat, je monte mon entreprise, j'entreprends, j'innove et qui sait, je vais certainement créer plein d'emplois : des femmes et des hommes que je paierai à la tâche, assemblant dans des hangars immenses à peine chauffés des paires de chaussettes, de boucle d'oreille et de gants, envoyés comme autant de bouteilles à la mer... Le rêve...

Nan c'est pas vrai, c'est gratuit et sans obligation de résultat, cette idée me fait juste plaisir.

A bientôt.

Accepter de dépareiller...

La chaussette orpheline est une dimension de mon existence non négligeable. Son mystère est tel que je ne crois avoir assez d’une vie pour, déjà, comprendre si, à travers elles, c’est le destin, ou comme on dit plus volontiers la Déesse des chausses solitaires ou la dea ex soccea, qui s’adresse à moi pour me signifier qu’il n’est point d’obstacle à l’extravagance du port de chaussettes dépareillées. 

En effet, j’ai abandonné le vain combat de retrouver toujours la semblable ou plutôt la similaire, de trouver à chacune sa chacune… Enfermées dans leurs souliers, les chaussettes dépareillées sont le secret apaisant de leur porteur. Mais lorsqu’il s’agit de se rendre au cours de gymnastique où il faut supporter les regards scrutateurs d’un public féminin qui pousse le conformisme jusqu’à repasser leurs chaussettes, c’est une autre paire de chausses. Et que dire du rendez-vous médical où l’on ne nous demande pas de tout retirer dans une antichambre jouxtant le cabinet, nous permettant ainsi d’enlever de manière subreptice ces deux amies qui n’ont pas la malchance de devoir incessamment cohabiter avec leur jumelle… Bref. Pour résumer c’est une lutte personnelle et qui demande bien des sacrifices en terme de relations sociales que de ne pas céder à l’achat d’un lot de chaussettes toutes semblables et ternes en supermarché… 

Je finirai cette longue mais trop courte dissertation par la question suivante : ne vous semble-t-il pas que le tupperware et son couvercle disparu, ou ce dernier, rendu solitaire et donc inutile, qui a perdu le récipient adéquat, nous poussent à une méditation en partie semblable ? Bien qu’il ne me soit jamais arrivée de me rendre à la gymnastique chaussée de tupperwares ayant perdus leurs couvercles, dans le seul but de leur trouver une fonction rassurante, en remplacement de chaussettes dont la totalité du trousseau qui est mien, serait abandonné dans le panier de linge sale, il me semble que le simple fait qu’une disparition, de nouveau, ait lieu, devrait nous questionner sur notre capacité à vraiment appartenir au commun des mortels qui s’organise, est à l’heure, lave ses enfants, travaille efficacement, prend des vacances, prend soin de lui et de son patrimoine, se développe personnellement, n’a pas d’heures perdues, gagne du temps, de l’argent, sa vie plus qu’ils ne perd de chaussettes. 

Je ne sais si vous m’aurez lue et comprise, et il est à parier qu’il sera plus difficile que vous me compreniez bien si vous ne me lisez pas, le principal est que tout ceci ait pu être écrit au moins une fois, comme une partie négligeable de toutes les gouttes d’eau qui façonnent l’histoire des idées humaines mais dont le mérite est d’exister et de nourrir la dea ex machina, la grande Intelligence Artificielle qui n’aura jamais de chaussettes. 

Vous remerciant d’y contribuer aussi, en partie, je vous prie d’agréer mes salutations mal chaussées et non moins amicales.